Construction circulaire
Cet article a été initialement publié dans Futuribles.
Responsable de la production des trois quarts des déchets en France, le secteur de la construction doit accélérer sa transition vers l’économie circulaire qui ne se limite pas au seul recyclage des matériaux.
En France, les activités de construction, de réhabilitation et de démolition produisent 73 % des déchets, soit 260 millions de tonnes par an (voir figure) [1].

Ces déchets mobilisent d’importantes installations de stockage dont les capacités sont limitées. Par exemple, les déblais qui seront générés par les travaux du « Grand Paris » occuperont l’équivalent de 7 000 piscines olympiques [2].
Si les capacités des installations de stockage sont limitées, celles des réserves de certains matériaux de construction le sont également. Le secteur de la construction consomme plus d’un tiers de la production mondiale de cuivre, un cinquième de celle de zinc, un dixième de celle de nickel. Or, les réserves de ces métaux ne dépasseraient pas les 40 années de production [3].
Le secteur de la construction a également un impact important sur l’environnement. À elle seule, la fabrication de ciment est responsable de 19 % des émissions industrielles de CO2 [4].
Pour faire face à ces contraintes et réduire son impact sur l’environnement, le secteur de la construction ne va pas avoir d’autre choix que d’accélérer sa transition vers l’économie circulaire. Il va devoir poursuivre le recyclage des matériaux de construction, et surtout développer leur réutilisation et la refabrication des bâtiments.
Recycler les matériaux de construction
Il est possible aujourd’hui de recycler certains matériaux de construction comme le plâtre ou le béton. Les déchets de plâtre sont de plus en plus souvent collectés sur les chantiers, triés, puis transformés en poudre de gypse. Cette poudre est utilisée pour fabriquer des plaques de plâtre. Les déchets de béton sont eux concassés en granulats. Ces granulats sont le plus souvent utilisés pour les travaux routiers. Sous certaines conditions, ils peuvent également se substituer aux granulats classiques dans la formulation de nouveaux bétons.L’Union européenne a imposé un taux de recyclage des déchets de construction et de démolition de 70 % à l’horizon 2020. Aussi, progressivement, des filières de recyclage se mettent en place.
Financé par la Commission européenne, le projet Gypsum to Gypsum regroupe les principaux acteurs de l’industrie du plâtre, des producteurs aux déconstructeurs, pour améliorer le recyclage du gypse. En Savoie, la société Nantet a développé avec le groupe Placoplatre, un procédé de valorisation des déchets de plâtre en mélange. Des sociétés, comme Yprema ou Durance Granulat, commercialisent du granulat produit à partir de déchets du BTP.
Réutiliser les matériaux de construction
Broyer le gypse, concasser le béton, fondre le métal… : le recyclage des matériaux de construction consomme beaucoup d’énergie. Il n’est cependant pas la seule alternative possible à l’enfouissement des déchets.
La durée de vie des matériaux de construction peut être beaucoup plus élevée que celle du bâtiment qui les utilise. Ces matériaux pourraient être réutilisés avant d’être recyclés. Par exemple, la structure métallique des bâtiments en fin de vie pourrait être utilisée dans la construction de bâtiments neufs. Les briques pourraient être récupérées pour la fabrication de nouveaux murs.
La réutilisation des matériaux suppose que le bâtiment ne soit pas démoli mais désassemblé. Cette opération n’est rentable financièrement que si le bâtiment a été conçu en vue de son désassemblage, ce qui est rarement le cas. Quelques initiatives pour faciliter la réutilisation des matériaux de construction voient cependant le jour. Aux Royaume-Uni, la Fédération des sociétés de démolition propose de mettre en place des « Demolition and Refurbishment Information Data Sheets » pour mieux documenter les matériaux de construction qui sont utilisés dans un bâtiment en vue de sa déconstruction. Aux Pays-Bas, le Park 20/20 a été conçu en vue de son désassemblage. Il n’utilise que des matériaux de construction réutilisables ou recyclables, que ce soit pour les murs, la toiture, les revêtements extérieurs, les fenêtres ou encore les sols.
Refabriquer de nouveaux bâtiments
S’il est possible de réutiliser des matériaux de construction, pourquoi ne serait-il pas possible de réutiliser des composants entiers ? C’est ce que proposent certaines entreprises comme DIRTT (Doing It Right This Time), aux États-Unis, qui assemble des bâtiments à partir de composants fabriqués en usine. Ces bâtiments peuvent être montés, démontés ou reconfigurés facilement grâce à des composants modulaires. Au Japon, la société Sekisui Chemical fabrique également des maisons configurables. Ces maisons peuvent être facilement désassemblées sur site puis démontées en usine. Les composants sont ensuite revendus à des clients qui souhaitent s’acheter une maison à moindre coût en réutilisant des composants.
L’utilisation de composants modulaires réutilisables permet de réduire la production de déchets non seulement durant la phase de déconstruction, mais aussi durant celle de construction. En effet, en industrialisant en usine le processus de fabrication, les déchets générés lors de la construction sont considérablement réduits. Actuellement, entre 10 % et 15 % des matériaux amenés sur un chantier de construction terminent en déchets sans être utilisés.
Par le passé, le secteur de la construction avait adopté les principes de l’économie circulaire. De nombreux bâtiments médiévaux en Europe utilisaient des matériaux issus de ruines romaines. Il y a un siècle, l’entreprise Sears expédiait par train, dans les États de l’ouest des États-Unis, des maisons en kit qui s’assemblaient rapidement et à moindre coût.
Pour le secteur de la construction, l’économie circulaire c’est un peu un retour aux sources.
[1] « 355 millions de tonnes de déchets produits en France en 2010 », Chiffres & statistiques, n° 385, janvier 2013, CGDD (Commissariat général au développement durable). URL : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Produits_editoriaux/Publications/Chiffres_et_statistiques/2013/chiffres-stats385-dechets2010-janvier2013.pdf
[2] Selon la Société du Grand Paris.
[3] BIHOUIX Philippe et GUILLEBON Benoît (de), Quel futur pour les métaux ? Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société, Paris : EDP Sciences, novembre 2010.
[4] ALLWOOD Julian M. et alii, « Material Efficiency: A White Paper », Resources, Conservation and Recycling, vol. 55, n° 3, janvier 2011, p. 362-381.
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