Qu’est-ce qu’un business model circulaire ?
Qu’est-ce qu’un business model circulaire ? Pourquoi les industriels devront-ils adopter les nouveaux business models de l’économie circulaire pour réduire leurs coûts, diminuer leurs émissions de CO2 et sécuriser leurs approvisionnement ?
Cet article a été initialement publié dans Futuribles.
La forte croissance de la population et sa concentration dans les zones urbaines va entraîner une très forte augmentation de la demande en matières premières. L’accès aux ressources naturelles dont les réserves sont limitées va devenir de plus en plus difficile et concurrentiel. La seule demande en eau devrait excéder les réserves disponibles de 40 % dès 2030 [1].

En prévision d’un accès difficile aux ressources, les industriels lancent des initiatives pour les utiliser de façon plus efficace : ils réduisent leur production de déchets, limitent leur consommation en eau ou conçoivent des produits plus économes en matériaux. Cette optimisation des modèles industriels est nécessaire mais elle ne sera pas suffisante. Les business models actuels vont finir par montrer leurs limites dans un monde aux ressources finies.
Les industriels vont devoir adopter de nouveaux business models, des business modelsqui gèrent les ressources en boucle grâce à la réutilisation, à la réparation, à la refabrication ou au recyclage : les business models de l’économie circulaire (voir figure).
Le modèle de gestion des matières en boucle longue permet de récupérer les matières contenues dans les produits en fin de vie. Dans ce modèle, les flux de production et d’utilisation ne sont pas synchronisés avec les flux de recyclage. Les produits arrivés en fin de vie sont collectés puis triés. Les matériaux techniques, comme le métal ou le plastique, sont recyclés tandis que les matériaux organiques, comme le coton, sont compostés ou méthanisés. Ce modèle, souvent mis en place pour les produits de consommation, est généralement peu performant : le recyclage des téléphones portables, géré en boucle longue, présente un rendement inférieur à 5 % [2].
À l’inverse du modèle précédent, la gestion des matières en boucle courte permet d’atteindre des taux de récupération beaucoup plus élevés. Dans ce modèle, la localisation et l’état des produits sont suivis en permanence. Dès que le produit arrive en fin de vie, sa matière est récupérée pour fabriquer un produit neuf. Les raffineries pétrolières s’associent souvent avec des sociétés métallurgiques pour gérer en boucle courte le recyclage des catalyseurs. Ce recyclage, qui permet de récupérer des métaux précieux comme le palladium ou le platine, atteint typiquement des rendements supérieurs à 90 % [3].
Toutefois, le plus souvent, le recyclage ne permet de conserverqu’une faible partie de la valeur d’un produit. Par exemple, le recyclage d’un iPhone ne retient que 0,24 % de sa valeur [4]. En revanche, sa réutilisation en conserve 48 % [5]. Le prolongement de la durée de vie des produits est donc souvent préférable au recyclage. Pour que sa durée de vie soit prolongée, un produit doit être remis en état généralement après chaque utilisation. La remise en état peut varier d’un simple nettoyage au démontage puis remontage complet. À l’instar de Caterpillar, Rockwell Automation ou Siemens Healthcare, les industriels sont de plus en plus nombreux à récupérer leurs produits usagés auprès de leurs clients pour les remettre en état puis les revendre une nouvelle fois (ou pour les recycler si les produits ne peuvent pas être remis en état).
L’économie circulaire s’applique non seulement aux produits finis mais aussi aux déchets de production. Souvent les industriels cherchent à se débarrasser à moindre coût de leurs déchets de production. Pourtant, il est possible de valoriser ces déchets par la mise en place de symbioses industrielles. Dans une symbiose industrielle, les déchets d’un procédé de fabrication sont utilisés comme matières premières pour un autre. Des eaux grises issues d’une ligne de fabrication peuvent être réutilisées pour le nettoyage. Les pulpes et pelures de fruits, coproduits de la production de jus, permettent de fabriquer des fibres alimentaires. La fécule de pommes de terre, un coproduit de la fabrication de colle à papier peint, rentre dans la composition de bioplastiques. L’identification de symbioses industrielles au sein d’un territoire est réalisée dans le cadre d’un projet d’écologie industrielle.
Un industriel peut préférer la vente de l’usage d’un produit à celle du produit lui-même. En effet, en restant propriétaire de son produit, il peut mieux en conserver le contrôle et en préserver la valeur. Par exemple, Philips vend aux municipalités non pas des systèmes d’éclairage mais de la lumière. L’entreprise reste propriétaire des équipements et facture la lumière aux municipalités. Une fois arrivés en fin d’usage, les systèmes d’éclairage sont remis en état ou recyclés. La vente de l’usage d’un produit (relevant de ce que l’on appelle l’économie de la fonctionnalité) conduit les industriels à développer des produits durables et facilement maintenables.
Enfin, le partage de l’utilisation d’un produit permet à plusieurs utilisateurs de partager l’utilisation d’un même produit. Il est souvent rendu possible par des plates-formes de partage (comme des sites Internet ou des applications mobiles) qui mettent en relation des utilisateurs pour vendre, échanger, louer ou donner des biens ou des services. Le partage peut être organisé par une communauté d’utilisateurs ou une société privée comme BlaBlaCar (covoiturage), Zilok (location de produits), Patatam (achat et revente de vêtements pour enfants) ou encore Airbnb (location de logements). Ce modèle, également appelé consommation collaborative ou économie du partage, est adapté aux produits dont le taux d’utilisation sur la durée de vie totale est faible, comme les voitures, les logements ou les vêtements. Selon une récente étude de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), le partage de l’utilisation d’un produit ne permettrait cependant pas toujours d’obtenir les impacts environnementaux escomptés [6].
Ces différents business models ne sont pas exclusifs. Renault, par exemple, recycle des matières comme le plastique ou le métal, refabrique ses pièces mécaniques pour en prolonger la durée de vie et vend l’usage de ses batteries électriques. Les premiers retours d’expérience ont montré que les nouveaux business models de l’économie circulaire bouleversaient les équilibres à la fois à l’intérieur des entreprises, mais aussi au sein de leur chaîne logistique. Les entreprises qui mettront en œuvre une stratégie d’économie circulaire et ces nouveaux modèles devront donc faire face à de nombreuses résistances. Mais ce sont elles qui imagineront les entreprises de demain dans un monde aux ressources finies.
FAQ sur les business models circulaires
Il existe cinq modèles d’affaires de l’économie circulaire :
– la gestion des matières en boucle longue ou courte,
– le prolongement de la durée de vie des produits,
– l’exploitation de symbioses industrielles,
– la vente de l’usage d’un produit,
– le partage de l’utilisation d’un produit.
Depuis plusieurs décennies les industriels conduisent des initiatives pour utiliser plus efficacement des ressources dont l’accès sera de plus en plus concurrentiel. Ils réduisent leur production de déchets, limitent leur consommation en eau ou conçoivent des produits plus économes en matériaux. Ces optimisations incrémentales des modèles industriels actuels sont nécessaires, mais elles ne seront pas suffisantes. Entre 1995 et 2010, l’extraction de phosphore a augmenté de 30 %, la production de fer de 81 %, celle de plastique de 83 % et les émissions de carbone produites par les combustibles fossiles de 48 %. Les business models actuels montrent leurs limites dans un monde aux ressources finies. Les industriels vont devoir adopter de nouveaux business models, les business models de l’économie circulaire.
Contactez nos consultants en économie circulaire pour en savoir plus