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Définition, principes et bénéfices de l’économie circulaire

Deux chercheurs de l’Université d’Utrecht ont recensés 114 définitions de l’économie circulaire. Aujourd’hui, l’économie circulaire a un sens différent pour des personnes différentes.

La Commission européenne utilise souvent la définition suivante qui a le mérite d’être simple : l’économie circulaire maintient la valeur des produits, des matières et des ressources dans l’économie aussi longtemps que possible et réduit la production de déchets au minimum.

Pour conserver leur valeur, l’économie circulaire réintroduit les produits, les composants et les matières dans les cycles de production, de distribution et d’utilisation autant de fois que cela est nécessaire et possible. Elle s’inspire du fonctionnement cyclique de la nature.

Les matériaux, les composants et produits techniques, comme le plastique, les moteurs électriques ou les lave-linges, évoluent dans un cycle différent de celui des matériaux et produits biologiques, comme le coton ou les produits alimentaires.

Dans le cycle technique, les matériaux, composants et produits sont recyclés, remanufacturés, reconditionnés, réparés, préparés pour le réemploi ou maintenus. Dans le cycle biologique, ils sont compostés, méthanisés, valorisés en extrayant des composés chimiques ou réutilisés en cascade.

Source : Ellen MacArthur Foundation

Pour les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics, l’économie circulaire est triplement gagnante : elle présente des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux.

L’économie circulaire permet à une entreprise d’accroitre à la fois son chiffre d’affaires (top line), en augmentant ses ventes, et ses bénéfices (bottom line), en réduisant ses couts.

L’économie circulaire permet aux entreprises de proposer des offres compétitives et innovantes et ainsi d’augmenter leurs ventes. Par exemple Liebherr commercialise des composants d’engins de construction remanufacturés dont le cout est environ 25 % plus faible que celui des composants neufs à perfor-mance égale. Grâce à la maintenance prévisionnelle, Hitachi réduit les temps d’arrêt dus aux pannes de ses équipements médicaux chez ses clients de 16 %.

Les entreprises peuvent ainsi augmenter leur présence sur les marchés existants mais aussi se développer sur de nouveaux marchés. En commercialisant des pièces détachées de réemploi, Renault a pu accéder à un nouveau marché, celui des clients qui ne souhai-taient pas acheter des pièces neuves pour leur véhicule ancien.

L’économie circulaire représente pour les entreprises une importante opportunité d’amélioration de la productivité de leurs ressources et, ainsi, de réduction de leurs couts. En Europe, l’économie circulaire permettrait aux entreprises de réduire leurs couts de 600 milliards d’euros, soit l’équivalent de 8 % de leur chiffre d’affaires.

L’économie circulaire crée des emplois directs. Par exemple, en Europe, le recyclage des déchets crée 6 fois plus d’emplois que leur valorisation énergétique et 25 fois plus que leur mise en décharge. Au Royaume-Uni, la méthanisation permettrait de créer 35 000 nouveaux postes. Le remanufacturing, le recondition-nement et la réparation sont également des activités à forte intensité de main d’œuvre créatrices d’emplois. En Europe, le remanufacturing aurait déjà créé 192 000 emplois.

A l’inverse toutefois, l’économie circulaire détruit des emplois indirects. L’augmentation de la production de matériaux recy-clés diminue les emplois nécessaires à l’extraction et la produc-tion de matériaux vierges. Le prolongement de la durée de vie d’équipements réduit la demande de nouveaux équipements.

Enfin l’économie circulaire serait susceptible de créer de nombreux emplois induits par une augmentation de la consommation liée à la réduction des prix.

Au final, si elle est encore mal connue, la création nette d’emplois par l’économie circulaire est probablement impor-tante. Par exemple une amélioration de la productivité des res-sources de 30 % d’ici 2030 permettrait de créer deux millions d’emplois en Europe. En France, les effectifs dans l’économie circulaire sont évalués à près de 800 000 emplois équivalents temps plein, soit plus de 3 % de l’emploi global. Dans sa transition vers une « société respectueuse du cycle des matières » conduite au début des années 2000, le gouvernement japonais estime avoir créé 650 000 emplois en l’espace de sept ans.

En réintroduisant les matières, les composants et les produits dans les cycles de production, de distribution et d’utilisation, l’économie circulaire permet de réduire la consommation de matières premières et la production de déchets. Par exemple elle permettrait de réduire la consommation d’engrais d’origine minérale en Europe de 80 % d’ici 2050.

L’économie circulaire permet également de réduire la con-sommation énergétique. Un procédé de fabrication con-somme généralement beaucoup plus d’énergie pour extraire et produire des matériaux que pour transformer ces matériaux en produits. Par exemple, le procédé d’extraction et de transformation des minerais métalliques utilise à lui seul près de 10 % de la production mondiale d’énergie. La seule transformation de l’alumine en aluminium consomme plus de 3 % de la production mondiale d’électricité. Si un produit, une fois arrivé en fin d’usage, est jeté, toute l’énergie consommée lors de sa fabrica-tion, appelée énergie grise ou intrinsèque (embedded energy en anglais), sera perdue. En réutilisant des matériaux et pro-duits usagés, l’économie circulaire conserve cette énergie in-trinsèque et réduit le besoin en énergie. Par exemple, la fabrication d’un pneumatique rechapé consomme 40 % de pétrole en moins que celle d’un pneumatique neuf.

L’économie circulaire permet aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La production de matériaux vierges est responsable de 19 % environ des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple 25 % des émissions industrielles de CO2 sont dus à la production de fer. En réduisant la consom-mation de nouveaux matériaux, l’économie circulaire réduit les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple le recyclage de seulement trois métaux, le fer, l’aluminium et le cuivre, a permis de réduire les émissions de CO2 de 572 millions de tonnes par an. Une étude conduite par le Club de Rome pour l’Espagne, la Finlande, la France, les Pays-Bas et la Suède, estime qu’une utilisation efficace des ressources permettrait de réduire les émissions de carbone entre 3 % et 10 %. En Europe, dans trois secteurs (mobilité, alimentation et construction), l’économie circulaire permettrait de réduire les émissions de CO2 de 25 % en 2030 et de 56 % en 2050.

Ce texte est extrait du livre L’économie circulaire, stratégie pour un monde durable.

Pour tirer profit de l’économie circulaire, une entreprise ne doit pas seulement concevoir des produits circulaires. Elle doit également adopter des business models circulaires et faire partie d’un écosystème circulaire.

Un produit circulaire est un produit qui est conçu pour être réintroduit le plus souvent possible dans les cycles de production, de distribution et d’utilisation. La conception d’un produit circulaire peut s’appuyer sur plusieurs outils  comme la démarche d’éco-conception, l’approche Cradle to Cradle ou le biomimétisme.

En prévision d’un accès difficile aux ressources, les industriels lancent des initiatives pour les utiliser de façon plus efficace : ils réduisent leur production de déchets, limitent leur consommation en eau ou conçoivent des produits plus économes en matériaux. Cette optimisation des modèles industriels est nécessaire mais elle ne sera

pas suffisante. Les business models actuels vont finir par montrer leurs limites dans un monde aux ressources finies. Les industriels vont devoir adopter de nouveaux business models, des business models qui gèrent les ressources en boucle grâce à la réutilisation, à la réparation, à le remanufacturing ou au recyclage : les business models de l’économie circulaire (voir figure).

Le modèle de gestion des matières en boucle longue permet de récupérer les matières contenues dans les produits en fin de vie. Dans ce modèle, les flux de production et d’utilisation ne sont pas synchronisés avec les flux de recyclage. Les produits arrivés en fin de vie sont collectés puis triés. Les matériaux techniques, comme le métal ou le plastique, sont recyclés tandis que les matériaux organiques, comme le coton, sont compostés ou méthanisés. Ce modèle, souvent mis en place pour les produits de consommation, est généralement peu performant : le recyclage des téléphones portables, géré en boucle longue, présente un rendement inférieur à 5 %.

À l’inverse du modèle précédent, la gestion des matières en boucle courte permet d’atteindre des taux de récupération beaucoup plus élevés. Dans ce modèle, la localisation et l’état des produits sont suivis en permanence. Dès que le produit arrive en fin de vie, sa matière est récupérée pour fabriquer un produit neuf. Les raffineries pétrolières s’associent souvent avec des sociétés métallurgiques pour gérer en boucle courte le recyclage des catalyseurs. Ce recyclage, qui permet de récupérer des métaux précieux comme le palladium ou le platine, atteint typiquement des rendements supérieurs à 90 %.

Toutefois, le plus souvent, le recyclage ne permet de conserverqu’une faible partie de la valeur d’un produit. Par exemple, le recyclage d’un iPhone ne retient que 0,24 % de sa valeur. En revanche, sa réutilisation en conserve 48 %. Le prolongement de la durée de vie des produits est donc souvent préférable au recyclage. Pour que sa durée de vie soit prolongée, un produit doit être remis en état généralement après chaque utilisation. La remise en état peut varier d’un simple nettoyage au démontage puis remontage complet. À l’instar de Caterpillar, Rockwell Automation ou Siemens Healthcare, les industriels sont de plus en plus nombreux à récupérer leurs produits usagés auprès de leurs clients pour les remettre en état puis les revendre une nouvelle fois (ou pour les recycler si les produits ne peuvent pas être remis en état).

L’économie circulaire s’applique non seulement aux produits finis mais aussi aux déchets de production. Souvent les industriels cherchent à se débarrasser à moindre coût de leurs déchets de production. Pourtant, il est possible de valoriser ces déchets par la mise en place de symbioses industrielles. Dans une symbiose industrielle, les déchets d’un procédé de fabrication sont utilisés comme matières premières pour un autre. Des eaux grises issues d’une ligne de fabrication peuvent être réutilisées pour le nettoyage. Les pulpes et pelures de fruits, coproduits de la production de jus, permettent de fabriquer des fibres alimentaires. La fécule de pommes de terre, un coproduit de la fabrication de colle à papier peint, rentre dans la composition de bioplastiques. L’identification de symbioses industrielles au sein d’un territoire est réalisée dans le cadre d’un projet d’écologie industrielle.

Un industriel peut préférer la vente de l’usage d’un produit à celle du produit lui-même. En effet, en restant propriétaire de son produit, il peut mieux en conserver le contrôle et en préserver la valeur. Par exemple, Philips vend aux municipalités non pas des systèmes d’éclairage mais de la lumière. L’entreprise reste propriétaire des équipements et facture la lumière aux municipalités. Une fois arrivés en fin d’usage, les systèmes d’éclairage sont remis en état ou recyclés. La vente de l’usage d’un produit (relevant de ce que l’on appelle l’économie de la fonctionnalité) conduit les industriels à développer des produits durables et facilement maintenables.

Enfin, le partage de l’utilisation d’un produit permet à plusieurs utilisateurs de partager l’utilisation d’un même produit. Il est souvent rendu possible par des plates-formes de partage (comme des sites Internet ou des applications mobiles) qui mettent en relation des utilisateurs pour vendre, échanger, louer ou donner des biens ou des services. Le partage peut être organisé par une communauté d’utilisateurs ou une société privée comme BlaBlaCar (covoiturage), Zilok (location de produits), Patatam (achat et revente de vêtements pour enfants) ou encore Airbnb (location de logements). Ce modèle, également appelé consommation collaborative ou économie du partage, est adapté aux produits dont le taux d’utilisation sur la durée de vie totale est faible, comme les voitures, les logements ou les vêtements.

Ce texte est extrait d’un article paru dans Futuribles.